La critique des religions ne sert à rien
La critique des religions ne sert à rien
Richard Malka, l’avocat de Charlie
Hebdo, le pourfendeur des fanatismes en tous genres, a passé une nuit au
Panthéon adossé à la statue de Voltaire, ce grand adversaire de l’infâme. («
Ecrasons l’infâme », avait-il l’habitude de terminer la plupart de ses lettres)
Dans cette influence, Malka y voit la nécessité de lutter contre
l’obscurantisme et le fanatisme qu’il juge principalement véhiculés par les
religions. Et compte tenu de l’attentat survenu dans les locaux de Charlie
Hebdo le 7 janvier 2015, l’avocat incrimine avant tout ce qu’il est convenu
d’appeler « l’islam politique » ou islamisme.
Et Richard Malka croit s’en sortir par
le haut en déclarant la guerre à Dieu : c’est Dieu le problème, il faut donc
l’éliminer ou l’ignorer. Il publie 2 ouvrages à ce sujet : 2021 : Le droit
d'emmerder Dieu, Grasset ; 2025, Après Dieu, Stock.) Ce qu’il oublie, c’est que
le problème, ce n’est pas Dieu, mais l’homme. Durant sa nuit au Panthéon,
Voltaire ne lui a-t-il pas soufflé à l’oreille : « Si Dieu nous a fait à son
image, nous le lui avons bien rendu. » Tout est dit.
Et ce que Richard Malka oublie – grave
lacune – c’est que les premiers codes moraux, les premières législations ont
émané des religions avec Dieu comme juge suprême. Prenons le Décalogue par
exemple, ou les « Dix Commandements ». Même si ce sont les hommes qui les ont
rédigés, ils l’ont fait sous les auspices de l’Etre Suprême.
Ainsi que le reconnaît dans son
préambule la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « En
conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous
les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen. »
Obnubilé par son culte de la laïcité
devenu pour lui un substitut religieux, Richard Malka se fourvoie à nouveau
quand il croit que la critique des religions est efficiente pour améliorer
pacifiquement le sort de l’humanité.
La religion n’est ni un objet
philosophique, ni un objet politique ; elle ne relève donc pas du rationnel
susceptible de tomber sous le coup de la critique, mais de la croyance,
irrationnelle par nature. C’est ce que Pascal a très bien compris avec le génie
qu’on lui reconnaît :
" C'est le cœur qui sent Dieu, et
non la raison. Voilà ce qu'est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison.
"
Et c’est ce qu’ont très bien compris
avec leurs mots à eux, les élèves de seconde d’un lycée de Bezons interrogés
par leur professeur d’histoire sur les rapports entre caricatures et démocratie
: « Caricaturer les religions, ça offense beaucoup plus de monde, car cela
touche aux croyances. La religion construit notre caractère, notre pensée. Voir
une caricature sur la religion impacte notre personne. La politique, on peut en
rigoler, ce n’est pas spirituel. » (Le Figaro, 9 janvier 2015). Pascal aurait à
peine dit mieux.
Notons la distinction subtile que fait
ce lycéen entre un domaine profane, celui de la politique, champ clos des pires
affrontements, et la religion, domaine réservé de l'esprit.
De ce fait, il ne sert à rien de
critiquer les croyances religieuses au nom d’une prétendue rationalité. La
critique du point de vue philosophique a déjà été faite, que l’on se réfère à
Pierre Bayle (1647-1706), Voltaire ou Marx, avec la religion « opium du peuple
» ou « conscience inversée du monde ».
Dans la religion chrétienne, vous pouvez
séparer la leçon strictement philosophique (les paraboles, l’amour du prochain)
qui donnera naissance à l’idéologie des droits de l’homme et à l’universalisme
des Lumières, du cœur de la foi, de cette croyance dans le dogme. (Exemple : la
résurrection du christ, sa présence réelle lors de l’Eucharistie).
La leçon philosophique ou politique peut
être discutée, applaudie ou raillée, faire l’objet de polémiques, critiquée,
mais la croyance dans le dogme échappe à toute critique, car irrationnelle par
nature.
Il n’était donc pas nécessaire pour
Charlie Hebdo de caricaturer Mahomet en déniant aux musulmans le droit à la
transcendance. Charlie Hebdo ne pouvait ignorer, compte tenu du caractère quasi
sacré du prophète de l'islam, le caractère hautement inflammable d'une atteinte
à son image. Cette caricature ne pouvait qu'être interprétée comme une insulte,
ce qui fut le cas. Charlie a joué avec le feu, les conséquences étaient
prévisibles.
Et j’ai remarqué, au vu de récents
sondages sur l’importance de la religion dans leur vie que les jeunes étaient
sensibles à la nécessité de la transcendance, ce qui manque cruellement dans le
monde que les adultes leur ont bâti.
par CLAIRVAUX

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