Mauritanie : Passions d’un engagement : « La conférence nationale » Par Ahmed Salem Ould El Mokhtar (Cheddad)
L’irruption du phénomène Messaoud sur la scène politique nationale
Afin de l’éliminer de la course pour la
mairie centrale de Nouakchott, certains détracteurs poussèrent le président
Taya jusqu’à créer à Messaoud Boulkheir des problèmes d’ordre judiciaire. Il
était question de malversations dans la construction de sa maison à Nouakchott.
Ce qui n’était nullement évident. Il fut arrêté à quelques semaines de la date
du scrutin. On lui organisa à la hâte un procès. Il bénéficiera d’un élan
spontané de solidarité.
Jusque-là, j’ai toujours refusé ses
offres de collaboration politique. Depuis son début de chômage administratif,
il entretenait un petit groupe politique, composé essentiellement d’amis à moi.
Parmi eux, Mohamed Salem Merzoug et Cheikh Ahmed Zehaf, ainsi que feu Boubakar
Ould Mohamed. Ces derniers n’avaient cessé de me demander de les rejoindre dans
le groupe en question.
Mon plaidoyer pour Messaoud
J’avais toujours refusé. Je leur
expliquais que je ne pouvais pas croire ce Monsieur qui ne commença à
s’intéresser à la politique qu’après son limogeage du gouvernement. Je
rappelais que même ses amis d’Elhor lui fermaient la porte de leur
organisation. L’arrestation et le jugement de Messaoud me révoltèrent. Pour
moi, c’était un acte de discrimination et d’arbitraire délibéré. Après sa
libération, sa liste sera retenue parmi quatre listes autorisées à compétir
pour le premier tour. Plusieurs autres listes sont éliminées sans raison
valable. La liste de Messaoud a manifestement profité de l’élan de solidarité
dont ce dernier a bénéficié durant son arrestation. Juste après, je pris
contact avec des amis du MND. Je leur ai conseillé de soutenir la liste de Messaoud,
« considérant », selon moi, « comme étant la meilleure des quatre listes
retenues ». Il restait à définir ce que j’entendais par « meilleure ». Je
n’avais presque pas rencontré d’opposition. On me confia la présidence d’une
délégation
Représentant la sensibilité du MND
chargée de prendre contact avec Messaoud pour lui déclarer le soutien
inconditionnel du MND à sa liste.
Échange plutôt difficile
On le trouvera dans sa modeste maison du
quartier SOCIM, seul avec sa pipe, posée devant lui, solitaire sur une petite
table. On se présenta. Aussitôt j’étalai les termes de notre mission. Son
caractère, policé par des décennies de responsabilité administrative, cachait à
peine son enthousiasme pour ce probablement premier soutien d’envergure.
Ensuite, je me suis hasardé à lui poser
des questions dont la pertinence ne manquera pas de déranger un tout petit peu
la sérénité de notre honorable hôte. « Peut-on avoir, monsieur le ministre, une
idée plus ou moins précise des moyens financiers et humains dont vous disposez
jusque-là pour faire face à cette campagne ? » Une question parmi d’autres. Sa
réplique ne se fera pas attendre : Eh ! Cheddad, sache que toi tu n’es pas un
policier et par conséquent tu n’as aucun droit de me soumettre à un interrogatoire
! ». Je répondis le plus poliment possible: «Monsieur le ministre, nous sommes
ici, envoyés par des gens qui veulent tout simplement se renseigner sur vos
possibilités électorales pour pouvoir évaluer le volume du soutien dont vous
aurez besoin ».
Il afficha une bonne compréhension de
mes explications. Puis il ajouta : « Au plan humain j’ai le soutien d’un groupe
politique et de l’assemblée d’une mosquée. Au plan matériel je dispose
uniquement de mon salaire qui dépasse à peine 25.000 Um ». « Voilà tout.
Qu’est-ce que tu veux de plus, monsieur Cheddad ?! ». Pour en finir j’exprimai
ma satisfaction.
Et « l’esclave » se déchaine
Le soutien déclaré du MND à Messaoud
ouvrira la voie à des vagues successives de soutiens de tous ordres et de
toutes couleurs. La fracture causée par les événements raciaux récents
demeurait béante. Son pansement et éventuellement sa guérison, demandait une
personnalité d’exception. Celle-ci, en aucune manière ne pouvait provenir en ce
moment des deux camps antagonistes, parties prenantes du conflit d’hier. Un
Haratine, du gabarit de Messaoud, ferait logiquement l’affaire de tous. C’était
ce qu’on avait tenté d’expliquer à celui-ci. Il semblait comprendre. Après
moult concertations, ses amis d’Elhor finirent par le rejoindre. Certains parmi
eux ne nous avaient pas facilité la tâche.
L’étroitesse d’un entourage encombrant
A notre discours unitaire, ils
l’orientaient vers un discours étroit et identitaire. Nous demandions à
Messaoud de se positionner pour être le dirigeant de toute la Mauritanie. Ses
amis d’ElHor l’exhortaient à ne pas dépasser uniquement la prétention à la
chefferie des Harratines. Depuis mon premier entretien avec lui, Messaoud me
découvrit.
La collaboration fructueuse
Depuis lors, il se confia à moi. Pour
nos concertations on s’était servi du bureau de son ami, le sage Sidi Ould
Messaoud, un transitaire originaire de Rosso dont le bureau se situait dans la
zone du grand marché de la capitale. Ici on a confectionné de A à Z la liste de
Messaoud Ould Boulkheir pour les élections municipales de 1990. Je lui
recommandais, afin de barrer la route à toute interprétation tendancieuse, d’y
mettre le maximum possible et raisonnable d’éléments maures de souche blanche.
Il me disait que la liste est la mienne est qu’il me revenait de la « blanchir
» comme je l’entends. Je me rappelle que j’y ai coché, parmi d’autres, le nom
de Mint Idoumou, une sage- femme originaire de Magtaa Lahjar, maintenant
décédée. Son prénom Vatimetou, y sera ajouté parce que je ne l’avais pas en
tête au moment de la confection de la liste. C’était une ravissante belle jeune
femme, proche parente de mon ami Mohamedou Naji. Elle ne cessait de partager
son beau sourire avec les autres. Je me rappelle aussi que Messaoud a beaucoup
insisté pour que je place mon nom à la tête de l’une des Moughataa de
Nouakchott pour garantir mon succès. Ce que j’ai toujours refusé.
J’étais déjà engagé dans la campagne de
la commune de Tékane.
L’exception Teichtayatt
Là, j’étais retenu par les enjeux locaux
sur lesquels planait encore le climat des événements raciaux de 1989-1991.
Notre collectivité de Teichtayatt, la seule à se ranger massivement du côté de
la liste représentant la communauté négro-africaine, a failli se faire expulser
ou faire l’objet de nouveau de punition collective durant ces douloureux
événements.
(À suivre)
Passions d’un engagement : « La conférence nationale » Par Ahmed Salem Ould El Mokhtar (Cheddad)

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